dimanche 22 mars 2015

Fabriquer un grand plat hallstattien

 Présentons tout d'abord la bête. Il s'agit d'un plat hallstattien de 42 cm. de diamètre. Une réplique d'une pièce apparemment découverte dans un tumulus fouillé à Obergösgen, en Suisse alémanique, vers 1900 ou un peu avant.



Petite présentation historique ensuite. En Suisse, la période Hallstattienne, ou premier âge du fer couvre à peu près une époque comprise entre la fin du IXème siècle et la fin du VIème avant notre ère. C'est uen époque de principautés, souvent groupées autour de chefs de guerre, mais peut-être également autour de princesses, comme celle de Vix en Bourgogne. C'est une période où tous les artisanats sont florissants, céramique et bronze notamment pour ce qui nous est parvenu. Et c'est surtout le moment où apparaissent les premiers objets en fer, surtout des poignards destinés aux puissants.
 Mais revenons à notre plat. De cet objet, il ne reste que quelques tessons épars, et un moulage réalisé peu après sa découverte. Le tesson montre une argile grossière, à la structure plutôt sableuse, et contenant de grosses inclusions blanches, peut-être de la calcite, mais aussi de la quartzite.
La couleur brune n'est probablement pas originale. Il est extrêmement difficile de reproduire une telle couleur sans pigments modernes. Il devait être noir à l'origine, et le vieillissement, il a tout de même passé plus de 2800 ans en terre, aura dissous ou oxydé une partie des particules de carbone qui lui conféraient sa couleur originale. L'expérimentation a montré que ce processus de vieillissement et de décoloration peut être très rapide. quelques années peuvent suffire à l'air libre. En terre, cela dépend de l'acidité du milieu notamment, mais on ne dispose pas actuellement de données précises.
En ce qui concerne la technique de montage, cette pièce est montée aux colombins ou aux bandelettes: Bien que le tournage ait fait son apparition en plusieurs lieux à cette époque, les potiers ne disposaient pas de la technique nécessaire pour tourner de telles pièces, et aujourd'hui encore seul les très, très bons tourneurs y parviennent.
On commence le montage d'un tel plat en creusant une balle d'argile jusqu'à obtenir l'ébauche d'un bol évasé conique. Puis on rajoute les colombins ou les bandelettes.

Ici, la partie centrale mesure à peine 20 centimètres de diamètre et est déjà constituée de deux parties, la jonction du premier colombin est encore visible par les traces de pressions des doigts que j'y ai laissées. Je rajoute une bandelette de 4 cm. environ, ce qui portera son diamètre à 28 environ. Le plus important dans cette suite d'opérations est de ne pas trop se presser. Travailler trop vite entraîne inévitablement l'effondrement de la pièce. Le mieux à faire pour un séchage régulier, et de poser une cale, une boule d'argile par exemple au centre du plat. Cette cale doit faire exactement la profondeur de la vasque. On retourne ensuite le plat sur une plaque de bois, et ainsi ses bords toucheront le support, ceci sans pression. Cela permet au fond de sécher plus rapidement que les bords. Et cela permet surtout de lisser le fond et la panse extérieure.
Le travail de lissage sur les fonds et parties externes, à ne pas négliger. si la pièce est trop sèche, les irrégularités deviennent impossibles à rattraper. Ici travail au galet de serpentine.

 Colombin après colombin, le travail se poursuit...

Quatrième colombin, 36 de diamètre... Il es important de travailler régulièrement, par pressions bien ordonnées. On évite ainsi les déformations au séchage.

Et le cinquième! 44 cm. de diamètre! On pose ces bandelettes très redressées. Une fois bien soudées, on les rabat progressivement, soit dans la continuation de la panse, soit à l'horizontale pour le marli.

 Lorsque l'assemblage est terminé, on corrige la forme tout en réduisant et lissant les aspérités. Ce travail se fait essentiellement à l'aide de plaquettes de bois ou d'ardoise pour les raclages, puis de galets de serpentine, agate ou silex pour les lissages.
Racler les aspérités à la spatule, ici une plaquette de bois.
 Au fur et à mesure du lissage, puis du polissage, le plat séchera lentement. On passe progressivement au polissage au galet et au décor.
J'utilise essentiellement des galets de serpentine, mais parfois aussi de l'agate, voire du quartz...
Le galet vert sert essentiellement à réliser le décor. On peu certes utiliser un outil métalliques, mais certaines argiles acceptent mieux la pierre, qui provoque moins d'arrachements sur les bords des incisions.
Le décor est ainsi progressivement réalisé au fur et à mesure que la pièce se raffermit...
Puis en dernier lieu, polissage et lustrage au cuir. Comme la terre est très sableuse et contient des inclusions jusqu'à une taille de 2 mm. de petites irrégularités apparaissent parfois sur les bords des incisions. Le cuir permet de les gommer sans provoquer de rayures.
C'est terminé! Il ne reste plus qu'à laisser sécher tranquillement...
La cuisson peut se faire en fosse, en meule ou en four, avec les risques que les deux premières options impliquent. Les risques de casse sont nettement plus importants en cuisson ouverte. J'ai choisi le four...
La bête, un fois cuite...
Autre vue. Les reflets permettent d'apprécier le caractère très rustique de l'argile utilisée. Ce n'est pas une obligations pour ce genre de pièces, les potiers hallstattiens ont aussi réalisé des plats d'apparat en argiles fines. Il sont simplement encore un peu plus difficiles à monter...
Parce que, illustré comme je viens de le faire, cela paraît tout simple...
Essayez un peu pour voir...