lundi 10 décembre 2012

La mort est dans le pré





Le titre pourrait être celui d'un nouvelle de Hitchcock ou de Lovecraft. Ou celui de quelque reportage sur les pesticides qui enpoisonnent nos champs et nos vies. Il n'en est rien, mais ce n'est pas très joyeux pour autant.
C'est d'une exposition temporaire au Musée Romain de Lausanne-Vidy qu'il s'agit.
Et pas n'importe quelle exposition, car il s'agit là de montrer les premiers résultats de sondages exploratoires sur ce qui est probablement une des découvertes les plus intéressantes de l'archéologie lausannoise de toutes ces dernières années.
Sous les courgettes et les côtes de bettes, à peine sous les fondations de cabanons des jardins familiaux lausannois et leurs nains de jardins, une multitude de tombes gallo-romaines était là, oubliées depuis des siècles. 5 ou 6000 tombes, peut-être plus encore. Un véritable trésor qui sera fouillé au fil de ces prochaines années, précédant la construction du futur écoquartier qui a conduit à leur découverte.


L'exposition est conçue comme l'itinéraire d'une sépulture. On est en 127 ap. J.-C. Un habitant de Lousonna vient de décéder. Sa dépouille, avec des fleurs et quelques offrandes, repose sur le bûcher dressé par ses proches...

Le lendemain, ils recueillent dans la cendre refroidie des restes d’ossements calcinés, qu'ils lavent et déposent dans un pot. Une écuelle à l'envers fait office de couvercle. Ils enfouissent l'urne, ajoutent un peu de nourriture et de boisson pour le voyage vers l’autre monde, comblent la fosse avec les déchets de la crémation, marquent la tombe par un petit tertre et une pierre...
...Et le tout tombe dans l'oubli et repose ainsi près de 19 siècles, jusqu'au moment où un plan d'urbanisation amène à sa redécouverte.
Des obsèques d'alors à la vitrine de musée d'aujourd’hui, l'exposition "La mort est dans le pré retrace" le destin posthume des gens de Lousonna. Elle évoque les rites et les croyances funéraires gallo-romaines, montre aussi comment un projet d’aménagement moderne aboutit à enrichir le patrimoine historique, à travers la fouille, la restauration et l'étude de vestiges spectaculaires. Plus que l'exposition de vestige issus des fouilles des premières tombes, elle montre surtout au travers de cet itinéraire le travail d'exhumation, de nettoyage, d'étude, de reconstitution, du pré jusqu'à la vitrine du Musée.
Une urne cinéraire en cours de fouille. les ossements du défunt sont placées dans une une bouteille de verre qui est placée dans l'urne avec les vestiges d'offrandes. Photo © Archeodunum SA, Gollion 
Quelques urnes retrouvées intactes, Ce sont en fait de gros pots de stockage recyclés en urnes cinéraires. Photo © Musée Romain de Vidy
Monter une telle exposition nécessite de montrer plusieurs fois la même tombe évoluant dans le temps. On fait alors appel au potier pour refaire les urnes et la vaisselle d'accompagnement. 6 urnes attendent sagement le jour de leur cuisson...
Hormis l'écuelle qui sert de couvercle à l'urne, l'usage voulait qu'on dépose un peu de nourriture et de boisson auprès des restes du défunt. Ici une série de gobelets issus de sépultures tardives à inhumation.
Gros plan sur une figurine de lapin. de menus objets étaient aussi souvent déposés comme offrandes
Photo © Musée Romain de Vidy

Au fil des prochaines années, la fouille complète de la nécropole des Prés-de-Vidy va donc apporter énormément d'éléments nouveaux à la connaissance de l'agglomération et de la population antiques. D'innombrables objets, souvent intacts, vont enrichir les collections publiques. Et les restes humains de l’époque romaine vont être recueillis, étudiés et conservés.

 Musée Romain de Vidy, 13 novembre 2012 au 14 avril 2013

Exposition réalisée avec l’appui du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (laboratoire de conservation-restauration), d’Archeodunum S.A. (fouille et étude), de l’archéologie cantonale et de la direction de projet Métamorphose, Ville de Lausanne.