mardi 19 juin 2012

Petites fééries nocturnes à St.-Romain-en-Gal

C'étaient les 2 et 3 juin derniers. Journées romaines de St.-Romain-en-Gal. Et comme chaque année, gros déballage de techniques céramiques, en plus des traditionnelles reconstitutions de la vie civile ou militaire gallo-romaine.
Au milieu ds ruines antiques, ce sont donc 3 à 400 reconstituteurs qui ont animé ce qui est au fil des ans devenu une des plus grandes manifestations de reconstitution historique et d’archéologie expérimentale de France.
Et à nouveau, sous la direction d'Armand Desbat,directeur de recherches au CNRS et organisé par Srtéphane Kielbasa, un des responsables des animations du Musée de St.-Romain-en-Gal, c'était tout le processus de fabrication des céramiques antiques qui était montré au public. Tournage, finition, décor, mais aussi 3 fours en action simultanée!
Vue de deux des 4 fours de St.-Romain-en_Gal. Ce sont des fours puits à couverture de tessons.

Invitée surprise, la pluie... Si le samedi fut beau et très chaud, un gros orage en début de soirée nous a provoqué quelques sueurs froides. Mais le pire s'est malheureusement produit le dimanche, une pluie diluvienne et continuelle a obligé les organisateurs à mettre un terme à la manifestation à 14 heures.

Belle réussite tout de même pour tout le monde, le public a été nombreux le samedi, et les cuissons ont été réussies. Et la soirée a été très belle, quelques images pour illustrer cette petite féérie nocturne:
Nuit tombante. Deux fours sont encore en action. à l'arrière, l'installation dans laquelle cuisent les céramiques à revêtement argileux. Il faut monter à plus de 1000 degrés, et la cuisson va se prolonger jusque vers 23 heures. A l'avant, le four à sigillées. C'est un four à rayonnement, le feu étant conduite dans des tubulues de terre cuite de manière à ce qu'il ne soit jamais en contact avec les céramiques.
Faire monter les températures de ces fours à plus de 1000 degrés n'est pas une sinécure. Palabres interminables assurés quant à savoir quelle est la meilleure méthode à appliquer pour gagner quelques degrés.
Echappement des tubulures du four à sigillée. la température atteint son maximum, on approche les 1080 degrés. Les flammes d'échappement virent au bleu...
Finalement c'est après minuit que le four à sigillée sera arrêté, après environ 11 heures de chauffe. Et le longue attente commence. Ce four ayant été complétement remanié, on ne connaît pas son comportement et ce sera la surprise à l'ouverture. Son tirage est vraiment excellent, mais qu'en sera-t-il de la charge?

Le lendemain donc, pluie battante et ouverture des fours. les moins délicats sont ouvert au plus tôt, avant la déluge, au risque de provoquer un peu de casse par chocs thermiques...
La fournée de céramiques à revêtement argileux est bien venue. Brun-rouges et légèrement flammées, ces pièces sont typiques des productions des IIème et IIIème siècles.
A l'ouverture, le four à sigillées montre des pièces légèrement sous-cuites, ce qui est normal pour celles situées tout en haut de la fournée. La température est souvent fortement dégressive dans ce genre d'installation, et il est fréquent de trouver tout en haut des récipients légèrement sous-cuits, alors que tout au fond de l'installation, quelques uns se trouvent fréquemment surcuits.
Ici, en l'occurence, une fissure qui s'est malencontreusement ouverte dans le fond de la chambre de cuisson a provoqué une assez forte surcuisson, mais aussi pénétration de gaz de combustion.
La fournée de sigillées. Les pièces du haut, (à gauche sur le photo) sont parfaites ou presque. Celles du tiers inférieur (à droite) sont bien cuites mais ont subi un peu de réduction et sont brunies à cause de des gaz de combustion entrés par la fissure. Les pièces moulées (en bas sur la photo) sont surcuites et ont subi aussi un peu de réduction. Elles se sont déformées et sont devenues très métallescentes.

Et donc, ce sont des pièces assez fortement déformées et surtout brunies et très métallescentes qui seront extraites des couches les plus profondes. Ce n'est pas un drame, c'est surtout très instructif. C'est paradoxal, mais une fournée parfaite ne nous apprend jamais grand chose. Un grand désastre non plus, d'ailleurs. Mais ce type de résultat, où l'on trouve des pièces parfaites comme des ratées, où l'on tient au moins une cause certaine du problème est très riche d'enseignements.

Vous avez raté cette édition des journées romaines de St.-Romain-en Gal? Rassurez-vous, on remet ça l'année prochaine, toujours à la même date, le premier week-end de juin. Les fours seront réparés ,on refera plein de nouvelles céramiques et on vous présentera de nouvelles fournées. Encore plus belles, bien entendu!

lundi 11 juin 2012

UN FOUR POUR ASNAPIO

Asnapio, c'est un parc archéologique situé à Villeneuve d'Ascq, dans la banlieue sur de Lille. Lieu enchanteur à deux pas de la ville, immense site parsemé de constructions de toutes les époques.

C'est par le portique d'une domus gallo-romaine qu'on y pénètre, et sitôt passées les portes de verre, on se retrouve en pleine nature. les saules, nombreux témoignent de l'eau toute proche, vestige des anciens marais asséchée en cette zone. Tout proches, le parc et les étangs du héron, une des promenades préférées des Lillois en sont les derniers vestiges.
Depuis 20 ans maintenant, le parc Asnapio (nom mérovingien du village d'Annapes) a été doté de maisons et d'installations préhistoriques, maisons néolithiques et de l'âge du Bronze, gauloises ainsi que du haut moyen-âge.
Campement magdalénien et grande maison néolithique
La beauté de la terre et du bois. Entrée d'une maison de clayonnages et de torchis.
Depuis une année maintenant, le par Asnapio, à l'initiative de sa directrice, Marie Ginet, avait un projet de construction d'un four de potier gallo-romain. Le Groupe G.A.U.L, Groupe Archéologique de l'Université de Lille s'était associé au projet, et l'installation devait être inaugurée lors des journées de l'archéologie expérimentale les 19 et 20 mai derniers. 

Mais une telle aventure demande un gros travail en amont. Il a fallu d'abord construire un préau couvert, ce qui était l'affaire d'Asnapio. Il a fallu préparer certains éléments du four et les précuire, notamment la sole et le foyer, afin de simplifier les opérations de construction sur le site. Et aussi de préparer une charge de poteries pour la première cuisson, ce qui a été fait en avril déjà, temps de séchage oblige.
Quelques unes des pièces en cours de séchage
Le choix d'Asnapio était de réaliser un lot de répliques d'époque néolithique pour rééquiper les maisons de cette époque, et aussi de fabriquer une série de pièces gauloises régionales en vue d'animations futures. Virginia Nobre, archéologue des services du patrimoine de Villeneuve d'Ascq s'était chargée de la sélection des pièces préhistoriques, et David Bardel, céramologue de l'INRAP Nord-Pas-de-Calais a recherché les pièces gauloises régionales qui correspondaient le mieux au besoins du Parc.

Et le 17 mai au matin, le chantier démarre. Après l'excavation nécessaire à un enfouissement partiel de l'installation. les premières structures sont montées, soient le foyer et la sole montée sur ses piliers. 
Ensuite le mur d'enceinte de la chambre de chauffe et monté brique par brique, le tout soigneusement jointoyé au torchis.
Ce travail prend une bonne journée et demie. Sitôt l'assemblage terminé, le four est mis en chauffe afin de le sécher le plus possible. Pendant ce temps, le remblai est terminé et les murs de soutènement montés.

Le four en cours de chauffe. Il en reste plus qu'à terminer les remblais et le muret d'appui.
 Et le samedi matin, tout est prêt pour démarres la cuisson. Le groupe GAUL animait plusieurs chantiers et stands, notamment un four à sel, un atelier de moulage de tuiles, et une présentation d'une nécropole, et les animateurs du parc animaient un chantier de fouilles, ainsi qu'une initiation au mode de construction par clayonnage et enduit de torchis. 

Dès l'ouverture de la journée, réservée aux professeurs et étudiants de l'Université Lille 3. le four est chargé et mis en chauffe.
Fin du chargement du four. Les premières assiettes de protection sont posées, et une couche de tuileaux et de tessons formera le bouclier thermique assurant la bonne rétention de la chaleur.
la cuisson durera une dizaine d'heures,jusqu'à atteindre une température de 900 degrés environ.
Au maximum de sa puissance, le four dégage souvent une fumée noire.
La cuisson se termine vers 19 heures. L'objectif étant de réaliser un lot de céramiques noires, il faut soigneusement sceller le four. Ce n'est pas si simple et une bonne quantité de cendres et de torchis sont nécessaires pour mener à bien l'opération. 
A colmater le four au torchis...
Opération passablement poussiéreuse et enfumée, mais l'avantage des cendres est une excellente isolation thermique, ce qui notamment évite les brûlures aux mains. 900 degrés, ce n'est pas rien, et pourtant les cendres sont à peine tièdes en surface...
Et on laisse reposer le tout jusqu'au lendemain après-midi. 
 la procédure de défournement démarre à 13 heures par la vidange des charbons restant dans le foyer. Une brouette entière, encore incandescents en seront extraits et servirons à redémarrer le four à sel. Rien ne se perd!. Puis à 15 heures, on peut décoller la couche de torchis, puis enlever cendres et tessons de couverture. C'est encore très chaud et surtout très poussiéreux, mais quel bonheur d'extraire toutes ces céramiques!
Malgré leur aspect grisâtre dû à l'éparpillement des cendres elles sont presque toutes parfaitement noires. Et, fait plutôt rare, aucune ne s'est brisée à la cuisson. 
Les pièces extraites du four, encore couvertes de cendres...

Deux pièces néolithiques et une jatte gauloise...
Belle réussite donc. Et ce n'était pas donné. Une telle cuisson dans un four neuf dont on ne connaît pas les traits de caractère propres à chacune de ces installations, et aussi le chêne et le saule des marais du Nord, combustibles qui n'ont rien de semblable aux épicéas helvètes rendent une telle cuisson assez hasardeuse.
Dix heures de cuisson, c'est très court pour qu'un four puisse apprivoiser ses potiers...

Tous mes remerciements vont à l'équipe des guides d'Asnapio, notamment Mathieu, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour m'aider dans ce travail.Un grand Merci aussi à Maxence Flament, étudiant en Master en archéologie à Lille 3, membre du groupe G.A.U.L. et futur céramologue, qui m'a assisté durant 3 jours et n'a pas hésité à mettre les mains dans le torchis et la tête dans les fumées du four!
Et enfin, je ne saurais oublier l'équipe administrative d'Asnapio, Marie Ginet, Anaïs Roma, Sandrine Tessier et aussi Virginia Nobre des services culturels de Villeneuve d'Ascq que je remercie toutes pour la parfaite préparation de l'opération et surtout pour la chaleur de leur accueil.

Je reviendrai à Asnapio, c'est certain!

Lien vers le site Web Asnapio: